« En écoutant sa musique, nous devons sentir les pulsations de cette bonté surhumaine, les battements de ce cœur de la Pologne. » Prof. Z. de Gawronski, novembre 1941
Le bienfaiteur
Au secours d'un monde en crise
Lorsqu'Ignace Paderewski voit le jour en 1860, cela fait près d'un siècle que la Pologne a disparu de la carte de l'Europe. Mais son âme, fière et généreuse, demeure ardente, nourrie de l'action et de l'espoir d'un peuple solidement accroché au rocher de sa longue histoire. Fidèle à cet esprit de résistance, le musicien décide spontanément, une fois installé dans le train du succès planétaire, de mettre à profit sa fortune colossale et l'aura qui en découle pour peser sur le cours de l'Histoire et apaiser les souffrances de ses frères. Esprit ouvert sur le monde, l'éventail des causes qu'il défend dépasse largement les frontières de la Pologne: de la récolte de fonds en faveur d'une nouvelle salle de concerts lausannoise à la défense des intellectuels juifs de Paris en 1933, son engagement est sans limite. Un bienfaiteur dans le plus noble sens du terme: infatigable et désintéressé.
D'une guerre à l'autre: des millions contre la faim et le sang
Comme tous les grands musiciens, Ignace Paderewski sait ce que le mot « travail » signifie. Lorsque l'Histoire frappe à sa porte, son énergie se met tout entière au service de l'action. En 1914 comme en 1939, il est aux premières loges pour répondre aux cris d'un monde en guerre. Lors du premier conflit planétaire, il s'allie à son compatriote et Prix Nobel de littérature Henryk Sienkiewcz pour former à Vevey un Comité central de secours pour les victimes de la guerre en Pologne. Grâce à d'intenses récoltes de fonds outre-Atlantique, où résident quelque trois millions de Polonais, 20 millions de francs suisses sont levés et 174 comités locaux organisés de par le monde. Sur les quatre années de guerre, Paderewski prononce pas moins de 340 discours et donne plus de 100 concerts.
L'appel au Général Guisan
Deux décennies plus tard, lorsque l'acier et la poudre déferlent à nouveau sur la Pologne, un Comité de secours est recréé et Ignace Paderewski est une fois de plus sur le pont: baptisé « Pro Polonia », il voit le jour à Fribourg. C'est l'heure tragique de la déroute de l'armée française et du repli sur la Suisse de la deuxième division polonaise combattant sous les ordres du général Prugar-Ketling. Quelques jours avant son départ pour l'Amérique et malgré le poids de ses quatre-vingts ans, Paderewski tente d'atténuer la douleur de l'internement en lançant un appel au général Guisan. « Les paroles ne suffisent pas pour exprimer ma profonde gratitude pour le bienveillant accueil offert par les autorités militaires et civiles ainsi que par le peuple helvétique aux officiers et soldats polonais que les tristes événements ont forcé de chercher refuge sur votre sol hospitalier. Dans ces circonstances douloureuses, seule l'attitude pleine de dignité de nos troupes qui, disciplinées et en formations régulières, leurs chefs en tête, ont franchi la frontière, peut donner lieu à une consolation. »