Lausanne

Plus encore qu'à Morges et à Vevey, c'est dans les salles du chef-lieu qu'Ignace Paderewski fait le plus régulièrement résonner son talent durant ses « années suisses ». D'abord au gré des concerts sensationnels du jeune prodige en tournée que le public alors découvre, fasciné; puis comme voisin, ami et presque compatriote dès son installation à Morges en 1897, un artiste toujours aussi génial mais accessible, qui ne compte pas ses heures lorsqu'il s'agit de causes justes – comme ses concerts à la Cathédrale en faveur des plus démunis. Lausanne, c'est enfin le lieu d'un message très fort reçu en 1933 du président de la Confédération suisse en personne, qui l'accueille officiellement «parmi ses enfants». La cité entretient cette mémoire à travers la belle salle de concert du Casino de Montbenon à laquelle elle a donné son nom en 1981.

« Parmi ses enfants »

Le président de la Confédération suisse Edmund Schulthess à Ignace Paderewski le 8 juillet 1933: « Mon pays ne décerne ni ordre ni décoration. Il a une façon plus modeste de témoigner sa sympathie et sa reconnaissance aux hôtes qu'il aime. Il les accueille parmi ses enfants. C'est ce que fit la capitale du canton de Vaud en vous conférant, Monsieur, la bourgeoisie d'honneur. Cette distinction, la seule que la Suisse puisse offrir, n'a peut-être pas l'éclat de celles qui vous sont échues au cours de votre brillante carrière. Mais elle est l'expression sincère d'une profond e amitié et d'une grande admiration. »

L'adieu à la Suisse

C'est l'un des discours « mythiques » de Radio-Lausanne, un moment d'histoire gravé dans la mémoire des ondes et de l'oreille de toutes celles et tous ceux qui étaient devant leur poste en ce 29 septembre 1940, jour des adieux « officiels » d'Ignace Paderewski à cette Suisse devenue sa seconde patrie. Des mots vibrants, presque une déclaration d'amour avant de s'embarquer pour les Etats-Unis dans le fracas de la guerre, ignorant encore qu'il n'y aurait point de voyage de retour...

« Mes chers auditeurs... »

« Mes chers auditeurs, c'est avec une émotion profonde que je pense au moment où ces quelques paroles vous parviendront. Je voudrais que mon allocution ne contienne que l'expression de mon attachement fidèle à votre beau et noble pays, que ma gratitude pour l'hospitalité généreuse dont je fus l'objet pendant de longues années. Que Dieu veuille bien vous protéger, mes chers amis. Qu'Il permette à votre pays de vivre en paix et en sécurité. J'ai la ferme conviction que votre amour profond pour vos belles et nobles traditions séculaires pour la patrie, qui chez vous se confondent avec la liberté et le respect de l'être humain, vous indiqueront toujours le chemin à suivre. »