Photographie de la cantatrice Marcella Sembrich signée «A. Dupont»
- N° d'inventaire:
- AMI-SEMBRICH-MARCELLA-DUPONT
- Type:
- tirage original signé
- Auteur:
- © A. Dupont
- Source:
- coll. Musée Paderewski, Morges
De son vrai nom Prakseda Marcelina Kochanska, la soprano polonaise Marcella Sembrich (qui a choisi d'utiliser le patronyme de sa mère comme nom de scène) voit le jour le 15 février 1858 à Wisniowczyk en Galicie (alors autrichienne). Son père, Kasimir Kochanski, est violoniste et lui enseigne les rudiments de son instrument ainsi que du piano dès l'âge de quatre ans. Admise très jeune au Conservatoire de Lemberg, elle y rencontre son futur mari, Wilhelm Stengel, avant de poursuivre ses études à Vienne auprès du pianiste Julius Epstein, qui, le premier, remarque sa voix exceptionnelle. C'est Franz Liszt, impressionné à son tour par ses capacités vocales, qui la décide à bifurquer vers le chant. Elle se forme à Milan auprès de Giovanni Battista Lamperti, puis avec le père de ce dernier, Francesco Lamperti, pédagogue réputé pour avoir formé la soprano Teresa Stolz, créatrice du rôle-titre d' Aïda de Verdi. Marcella Sembrich fait ses débuts à Dresde en 1878 dans Lucia di Lammermoor, prélude à une immense carrière internationale. Elle entre dans la légende au Metropolitan Opera de New York, campant plus de trente rôles sur la scène mythique, dont celui – fétiche – de Violetta (La traviata). En 1906, alors qu'elle est en tournée avec Enrico Caruso et la troupe du Met, elle sort miraculeusement indemne du terrible tremblement de terre qui dévaste la ville de San Francisco. Elle termine sa carrière en enseignant le chant dans les deux plus grands conservatoires américains: le Curtis Institute de Philadelphie et la Juilliard School de New York. Elle décède à New York le 11 janvier 1935.
Marcella Sembrich connaît Paderewski depuis ses jeunes années. Ils figurent côte à côte à l'affiche d'un concert à Varsovie en 1880. Elle est ensuite la créatrice américaine du rôle-titre (Ulana) de son opéra Manru, le 14 février 1902 au Metropolitan Opera de New York. On les retrouve sur de nombreuses photographies de groupe lors d'événements mondains, comme les soirées organisées à New York et au Flonzaley par le banquier et mécène suisse Edouard de Coppet. On sait enfin, grâce au témoignage du journaliste Maurice Muret, que la cantatrice se trouvait à Riond-Bosson pour un récital privé, début août 1914, lorsqu'est parvenue la nouvelle du déclanchement de la Première Guerre mondiale.
Manru est le premier et (à ce jour) dernier opéra polonais à avoir été représenté sur la scène du Metropolitan Opera de New York. Unique ouvrage lyrique de Paderewski, composé en partie à Riond-Bosson et créé à Dresde le 29 mai 1901, il est présenté au public américain le 14 février 1902 sous la direction de Walter Damrosch, ami du compositeur. Marcella Sembrich campe Ulana et Alexander von Bandrowski fait ses débuts en Manru. En raison de la faiblesse du livret allemand (dû à Alfred Nossig sur la base d'une nouvelle de Kraszewski, Une Chaumière hors du village), la parcours américain de l'ouvrage se limitera à neuf représentations: quatre au Met et une à Boston (15 mars), Philadelphie, Pittsburgh, Baltimore et Chicago. En Europe, l'opéra est présenté le 8 juin 1901 à Lwów (première polonaise), le 30 janvier 1902 au Stadttheater de Zurich (où l'accueil est partagé mais n'empêche pas plusieurs reprises), le 24 mai 1902 au Teatr Wielki [Grand Théâtre] de Varsovie (suivi de nombreuses représentations à guichets fermés), ainsi qu'à Cologne et Prague durant la même année 1902. À Paris, par contre, les projets de monter l'ouvrage en français n'ont jamais abouti: l'adoption du livret de Catulle Mendès (mandaté par Paderewski) aurait en particulier exigé trop de changements dans la musique. Il faut attendre… 2014 pour voir Manru résonner pour la première fois en langue française: les 4 et 5 octobre sur la scène du Théâtre de Beausobre à Morges, grâce à la traduction de l'ami René Morax mise au jour par Gérard Demierre. Une belle façon de rendre hommage à l'hôte illustre, à une époque où la thématique de l'exil, inscrite en filigrane de l'opéra, revêt une criante actualité.