Carte adressée (en polonais) par Hélène Gorska à Paderewski, poste restante à Rome, de Paris (place Victor-Hugo) le 2 février 1894
- N° d'inventaire:
- GORSKA-HELENE-1894-02-02
- Type:
- original
- Date:
- 2 février 1894
- Source:
- coll. Musée Paderewski, Morges
Traduction française: «Mon chéri, je te transmets ces quelques mots par la poste pour te dire que tu dois absolument revenir et au moins que le départ pour Paris soit un succès. Tu ne peux pas et tu ne dois pas rester avec M. Je te supplie de le laisser. Cela n'aboutira à rien. Il a une fille déjà adulte. Tout d'abord il prendra ta vie et après ton temps qui est trop cher pour que tu puisses le lui consacrer pendant que chaque débrouillard peut te remplacer à chaque moment. J'ai le cœur serré, et il me tarde de te revoir. La tête me serre. Reviens, autrement je mourrai de chagrin. Nous irons dans l'autre direction, mais d'abord fuis de chez lui. Ecoute mon conseil. Je me prosterne devant toi en te suppliant à genoux. Orlik ne peut pas aller. Le projet n'est pas pratique. Je cherche Hoszt, il aura un poste ici. Mon Ignace, mon bonheur unique, sauve-toi. Prends la fuite pour éviter un grand malheur. Je t'aime et t'adore. Je te remercie beaucoup pour tes lettres. Je ne t'ai pas écrit parce que j'avais un grand chagrin et je ne voulais pas t'attrister. Que fais-tu? Ecris-moi! Je t'aime. Je t'embrasse de tout mon cœur languissant. Bien à toi.»
Paderewski fait la connaissance d' Hélène Gorska (1856-1934), née baronne de Rosen, alors qu'il vient de perdre sa première épouse et qu'il se retrouve seul avec un fils malade. Installée à Paris, elle est l'épouse de l'un des meilleurs amis de sa jeunesse polonaise, le violoniste Ladislas Gorski – qui a enseigné au Conservatoire de Varsovie de 1879 à 1881 avant de partir pour Berlin puis de s'installer à Paris, où il intègre l'Orchestre des concerts Lamoureux et se forge une excellente réputation de professeur. «Beaucoup plus jeune que son mari, Hélène Gorska, née baronne de Rosen, forme avec lui un curieux contraste», écrit le diplomate Werner Fuchss dans sa biographie de Paderewski (Yens-sur-Morges, Editions Cabédita, 1999). «Autant lui, brusque et bourru, joue, comme il le disait, à l'homme des bois, autant elle est fine et distinguée. Fort belle, très racée, extrêmement aimable, elle entretient dans son foyer une atmosphère d'intimité chaleureuse bien faite pour plaire à Paderewski. N'était-elle pas aussi l'amie de sa femme morte si prématurément en lui laissant un fils? Le chagrin du jeune veuf désemparé, le triste sort du bébé qui ne connaîtrait jamais sa mère, touchent profondément Mme Gorska qui avait un fils du même âge. Elle prend la résolution de s'occuper autant que faire se peut de l'orphelin, en même temps qu'elle tente de réconforter le père par ses témoignages d'affection.» Réciproque, cette affection devient rapidement de l'amour et Ladislas Gorski doit se résoudre à l'évidence: avec beaucoup de classe, il laisse Hélène procéder à Rome à l'annulation de leur mariage et épouser dans la foulée son ami d'enfance, célébré le 31 mai 1899 en l'église du Saint-Esprit de Varsovie. Gorski finira sa vie à Clarens, sur les bords du Léman, où il formera les frères Emile et André de Ribaupierre. Hélène Paderewska sera de son côté, pour son second mari, une épouse omniprésente jusqu'à sa mort en 1934, l'accompagnatrice infatigable de tous ses voyages – jusqu'à la Galerie des Glaces du Château de Versailles, où elle est l'une des rares dames à assister à la signature du Traité de 1919 –, sans oublier la maîtresse énergique et généreuse de Riond-Bosson.