Photographie de Paderewski recevant la bourgeoisie d'honneur de la ville de Lwów en octobre 1910 à l'occasion du centenaire de la naissance de Chopin
- N° d'inventaire:
- EU-PL-1910-10LWOW--BOURGEOISIE-HONNEUR
- Type:
- reproduction (tirage photo d'une mauvaise reproduction)
- Auteur:
- droits réservés
- Date:
- octobre 1910
- Source:
- coll. Musée Paderewski, Morges
Lwów organise en octobre 1910 un Festival Chopin à l'occasion du centenaire de la naissance du musicien. Paderewski y prononce l'un de ses discours phare, véritable «profession de foi de l'artiste et du penseur» (Henryk Opienski): un tableau non seulement de Chopin et de l'essence profonde de sa musique, mais aussi plus largement de «l'esprit polonais» qui féconde son art au même titre que celui de son illustre compatriote. Il a été prononcé lors d'un Festival Chopin organisé à Lwów, capitale de la Galicie, à l'automne 1910, quelques mois seulement après l'inauguration – elle aussi marquée par un discours important de Paderewski – du monument de Grunwald, le 15 juillet à Cracovie, commémorant le 500e anniversaire de la victoire des Polonais sur les chevaliers teutoniques. En voici quelques extraits.
«Nulle nation au monde ne peut se prévaloir d'une richesse de sentiments et d'états d'âme comparable à la nôtre. Dieu n'a pas compté les cordes qu'il a tendues à notre harpe, il n'en a pas mesuré les sons. Nous avons la noble tendresse de l'amour et la rude vigueur de l'action, et le souffle tempétueux du lyrisme et la valeur de la chevalerie. Nous avons la douce langueur de la vierge, la pondération de l'homme mûr, la tragique tristesse du vieillard, la légère gaîté du jeune homme. C'est peut-être en cela que se trouve notre charme séducteur, mais c'est en cela peut-être qu'est notre grand défaut. Les changements se succèdent presque sans intervalle: de l'ivresse aux sanglots, de l'extase au marasme, et il n'y a souvent qu'un pas…
»Des grands hommes à qui la Providence confia le soin de révéler l'âme polonaise, aucun n'y sut rendre cette arythmie avec plus de force que Chopin. La musique, sa musique, seule, pouvait rendre cette âme houleuse qui tantôt déborde et va battre les rivages de l'infini, tantôt se replie, soumise jusqu'à l'héroïsme; puis s'élance avec une ardeur à soulever les montagnes, puis retombe dans cette impuissance du doute, où la pensée s'obscurcit et où la volonté meurt. C'est dans cette musique seule, à la fois orageuse et suave, discrète et passionnée, langoureuse et forte et terrible; dans cette musique qui échappe volontiers à la discipline du rythme, qui s'affranchit du métronome comme d'un gouvernement détesté; c'est dans cette musique que notre nation, notre terre, la Pologne agissent in tempo rubato.»